L’île des esclaves, une pièce philosophique intemporelle
La période faste que fut le siècle des Lumières vit foisonner les révolutions intellectuelles, portées par des écrivains talentueux et engagés. Parmi ces auteurs se trouve Pierre Carlet, dit Marivaux. Ce dramaturge atypique se distingue par la diversité de ses productions. Mais ce qui définit également Marivaux, c’est sa volonté de témoigner de la complexité humaine.
Parmi ses œuvres les plus marquantes, L’île des esclaves bénéficie d’une place de choix. Jouée pour la première fois en 1725, cette œuvre en prose se présente comme la parodie d’une utopie aux thématiques actuelles. Elle se décompose en trois grandes parties : l’implantation de l’intrigue, l’évolution de l’histoire et le dénouement.
Raconter L’île des esclaves : trois premières scènes évocatrices
Composée d’un seul acte et de onze scènes, L’île des esclaves dépeint les codes d’une époque en s’appuyant sur des personnages aux caractéristiques pour le moins révélatrices. Dès le début, le lecteur découvre le rapport faussé entre maîtres et domestiques.
Scène I : une entrée en matière spectaculaire
Dans cette scène d’exposition, le lecteur se retrouve sur une île déserte, en compagnie de deux hommes, Arlequin et Iphicrate. Les deux protagonistes, échoués sur cette terre hostile, sont liés : Arlequin est le valet d’Iphicrate. Le dialogue qui s’ensuit révèle immédiatement deux personnalités différentes : Iphicrate arbore un caractère tragique tandis qu’Arlequin semble narquois et un brin provocateur.
Tout au long de l’échange, le domestique ne se soucie guère de leur infortune et se plaint seulement du comportement de son maître. Quant à ce dernier, il se désespère de la situation. À tel point qu’il finit par menacer Arlequin, l’épée à la main.
Scène II : l’arrivée de Trivelin
Tandis que les deux malheureux se lamentent, un troisième homme intervient : il s’agit de Trivelin. Accompagné de quelques individus, ce protagoniste s’approche et se présente comme le chef des insulaires. Après une brève introduction, il finit par conter l’histoire de ses ancêtres. Puis, par le biais d’un monologue, il explique aux deux naufragés que les règles locales obligent les maîtres à se repentir.
Trois années durant, l’ancien maître devra se soumettre et se purifier de ses actes passés. Cette coutume inverse subitement les rôles : Arlequin devient maître et Iphicrate devient esclave.
Scène III : le portrait d’Euphrosine
Cette troisième scène marque un tournant. Le lecteur découvre Cléanthis, une jeune suivante accompagnée de sa maîtresse Euphrosine. Trivelin demande à Cléanthis de présenter sa maîtresse. Cette dernière ne se fait pas prier et dépeint une Euphrosine hypocrite, coquette, arrogante et capricieuse. La maîtresse, vexée, tente de se défendre, mais Trivelin encourage la domestique à poursuivre sa description. L’expérience semble plaire à Cleanthis, qui se révèle rancunière.
L’île des esclaves : un développement révélateur
La pièce de théâtre évoque deux sujets majeurs : le rapport maître/esclave et l’hypocrisie de l’aristocratie. Ces thématiques sont abordées en détail dans les scènes IV, V, VI et VII.
Scène IV : l’amour propre ou la liberté ?
Dans cette scène, le lecteur retrouve Trivelin et Euphrosine. Cette dernière, ébranlée par les attaques frontales de Cléanthis, refuse pourtant de capituler. Trivelin tente de lui ouvrir les yeux sur son comportement vis-à-vis de la jeune suivante. Si Euphrosine nie dans un premier temps, le chef insulaire sait se montrer persuasif. Au fil de l’échange, Euphrosine concède qu’elle ne peut risquer de perdre sa liberté. Elle reconnaît ses torts à demi-mot. À la fin de la scène, elle accepte de faire confiance à Trivelin.
Scène V et VI : la revanche des domestiques
Dans la cinquième scène, le lecteur découvre Iphicrate et Arlequin dans leurs nouveaux rôles. Si Arlequin ne cesse de plaisanter, son ancien maître semble, lui, complètement désemparé. La sixième scène se révèle déterminante : le lecteur assiste à une conversation entre les deux anciens domestiques, Arlequin et Cléanthis. Ces deux derniers s’amusent à parodier un dialogue galant. Ils raillent ouvertement les mœurs hypocrites de leurs maîtres. Ils finissent même par échafauder un stratagème amoureux pour se moquer d’Euphrosine et Iphicrate.
Scène VII : L’île des esclaves ou celle de l’amour?
Ce court dialogue fait écho à la cinquième scène : le lecteur découvre le renversement des rôles entre Cléanthis et Euphrosine. La première annonce à la seconde qu’Arlequin est épris d’elle. Elle lui décrit le nouveau maître comme un homme honnête et intègre. En outre, elle impose à Euphrosine de se conformer à sa volonté : accepter l’amour d’Arlequin. Le rapport de force a changé.
La morale de la pièce de Marivaux
À l’instar de ses contemporains, Marivaux s’appuie sur des symboliques pour délivrer son message humaniste. Un message dévoilé lors de l’astucieux dénouement.
Scène VIII : le début du basculement
Comme convenu, Arlequin feint de dévoiler ses sentiments à Euphrosine. Mais le stratagème échafaudé prend une tournure inattendue : si Arlequin apparaît d’abord jovial et confiant, il perd peu à peu de son assurance. Sa maladresse s’intensifie face à une Euphrosine peinée. Celle-ci supplie le nouveau maître de ne pas abuser de son pouvoir. Arlequin finit par se taire, abattu et bouleversé.
Scène IX : Iphicrate et Arlequin renouent
Cette scène constitue la révélation. Si Arlequin tente au préalable de contraindre Iphicrate de s’éprendre de Cléanthis, il finit par renoncer à cette machination et se laisse gagner par la noblesse du cœur : il pardonne à Iphicrate. Ce dernier s’engage à devenir un homme avenant et respectueux. Arlequin réalise qu’il n’est pas fait pour diriger. Il demande à Iphicrate de lui rendre ses habits. Le maître et le valet retrouvent leurs statuts.
Scènes X et XI : la fin et la morale
Ces deux dernières scènes symbolisent la rédemption. Iphicrate et Euphrosine se confondent en excuses et jurent de devenir de meilleures personnes. Sous l’impulsion d’Arlequin, Cléanthis retrouve sa place de suivante. Bien qu’elle soit plus vindicative qu’Arlequin, elle finit malgré tout par revenir vers sa maîtresse. Dans la scène finale, Trivelin s’adresse aux quatre naufragés : grâce à leur repentance, ils sont libres et peuvent regagner Athènes.
L’île des esclaves, une œuvre intemporelle
Ce résumé de L’île des esclaves révèle les thématiques fondamentales de l’œuvre. Par son emploi du comique et ses questions soulevées, L’île des esclaves amène le lecteur à méditer sur son rapport aux autres. La morale de L’île des esclaves s’attache à donner de l’importance à la bonté du cœur. Marivaux délivre ici un message fort : n’abusez pas du pouvoir que vous possédez. Marivaux use d’une plume parfois cruelle pour pousser le lecteur à étudier son propre comportement. Une thématique plus que jamais actuelle.