Honneur et liberté dans Le Cid

Les rapports entre l’honneur et la liberté sont au centre de l’éthique cornélienne ; les héros aspirent naturellement à la liberté, conséquence de l’honneur et de la générosité présents dans leur cœur. Non seulement la liberté est tout à fait compatible avec ces vertus, mais ces dernières exigent la liberté en refusant catégoriquement toute tyrannie.

L’amour est par ailleurs réglé par la raison car il découle de l’estime créée par l’honneur chez l’autre ; c’est l’amour qui guide le héros généreux et qui, loin de le réduire à l’esclavage, l’incite à bien user de sa liberté pour être et rester digne de la personne aimée.

Il arrive parfois que les héros de Corneille voient l’amour comme une puissance contraignante qui semble d’abord s’imposer à eux.

Par exemple, au début du Cid, l’Infante fait cet aveu à sa duègne :

“L’amour est un tyran qui n’épargne personne…”

De même que Rodrigue dans sa tirade de la scène 4 de l’acte I :

“Père, maîtresse, honneur, amour,

Noble et dure contrainte, aimable tyrannie…”

L’absence de liberté serait due à un choix forcé entre amour et honneur.

L’amour de Chimène représente une “aimable tyrannie” qui s’oppose à la “noble et dure contrainte” de l’honneur de son père. Mais la force de la passion laisse place à la considération de l’honneur et la liberté intérieure de Rodrigue redevient intacte. Il éprouve en effet au plus profond de lui-même le devoir impérieux de venger l’affront qui a été fait à son père. Il repousse la tentation du suicide :

“Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !

Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire

D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison (…)

N’écoutons plus ce penser suborneur”

Mais Rodrigue sait que l’honneur est également une vertu cardinale de Chimène et s’assure qu’elle souhaite le voir rester fidèle à sa “gloire” et qu’il soutienne son père don Diègue dans la querelle :

“J’attire ses mépris en ne me vengeant pas”

C’est ce qu’il explique à Chimène lorsqu’il va lui rende visite en secret au cours de l’acte III :

“(…) Qu’un homme sans honneur ne te méritait pas,

Que malgré cette part que j’avais dans ton âme,

Qui m’aima généreux me haïrait infâme.

Les deux amants partagent la même générosité de cœur et le même sens de l’honneur, c’est pourquoi Chimène accepte la décision de Rodrigue tout en affirmant la sienne quand elle lui dit :

“(…) De quoi qu’en ta faveur notre amour m’entretienne,

Ma générosité doit répondre à la tienne…

Ma générosité et ma liberté, c’est tout un.”

Ils n’hésitent ainsi donc pas à user de leur liberté au détriment de leur bonheur pour rester dignes de leur amour. Ils refusent catégoriquement toute violence qui pourrait être faite à leurs sentiments, ils ne tolèrent pas la moindre contrainte extérieure.

Chez Corneille, les héros sont souvent face à des obstacles à l’exercice de leur liberté et la résistance qu’ils opposent alors est à la mesure de leur honneur : ils sont prêts à tout pour préserver la liberté qu’exalte leur amour. Chimène en est un bon exemple, à la fin de l’acte IV, elle a imprudemment promis sa main à quiconque vaincrait Rodrigue en duel. Sans doute pensait-elle, comme le père de son bien-aimé, qu’aucun champion ne se présenterait. Don Sanche s’est pourtant proposé, et la jeune fille a dû accepter, contrainte par sa parole, de “mettre sa querelle en sa main”. Le chevalier Don Sanche est donc en voie d’obtenir la main de Chimène, puisque Rodrigue, dans la scène d’ouverture de l’acte V, parle de se laisser tuer par un adversaire sans se défendre. Chimène le supplie alors de ne pas céder au renoncement pour empêcher une privation de liberté si flagrante :

“Défends-toi maintenant pour m’ôter à don Sanche

Combats pour m’affranchir d’une condition

Qui me donne à l’objet de mon aversion.

Et si tu sens pour moi ton cœur encore épris,

Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.”

Le couple de Chimène et Rodrigue recommence alors à avoir un avenir, ils sont de nouveau accordés et ont un devoir commun : lutter ensemble pour proclamer leur liberté d’aimer.

Pourquoi lire ce commentaire composé ?

Cette critique et présentation de Corneille est également une dissertation de Le Cid. Dans cette fiche de lecture de Corneille vous pourrez tout savoir sur l'histoire du récit, détaillé chapitre par chapitre. C'est également une lecture analytique complète de Le Cid qui est étudié au collège, lycée et bac de français. Cette lecture linéaire de Corneille permettra au lecteur d'être préparé pour l'examen et de tout savoir sur l'intrigue de Le Cid. Pour conclure, ce commentaire littéraire ne donne plus d'excuse pour ne pas maîtriser l'analyse du récit.

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