William Goldwin, au lendemain de la seconde guerre mondiale dont il fût un des protagonistes, achève l’ouvrage naturaliste le plus important de cette seconde moitié du vingtième siècle : Sa Majesté des mouches (Lord of the Flies, 1954). Derrière l’intrigue principale, un groupe d’enfants âgés de 6 à 12 ans, naufragés, devant s’organiser pour leur survie, se cache une critique amère de la civilisation. L’analyse de Sa Majesté des Mouches révèle que l’intrigue s’articule autour de grandes thématiques philosophiques et sociologiques : autorité, soumission, liberté et violence.
L’analyse de Sa Majesté des mouches montre des personnages stéréotypés :
Sa Majesté des Mouches n’érige aucun de ses protagonistes en héros. Chacun des personnages contribue au déroulement de l’intrigue qui s’articule autour de l’organisation des naufragés. Face à l’impératif de survie, quatre enfants sortent du lot. Deux d’entre eux tentent d’imposer leur vision des choses aux autres naufragés : Ralph et Jack.
Tout d’abord vient l’organisation démocratique, proposée par Ralph, le plus âgé du groupe. Il s’impose au début du roman comme le chef qui va rassembler les autres autour d’un objet emblématique : le coquillage en forme de conque qui autorise la prise de parole.
Jack, le téméraire, plus brutal va imposer une organisation différente, basée sur l’autorité dont le jeune Roger sera l’instrument. Un système d’exercice du pouvoir totalitaire qui n’est pas sans rappeler une certaine réalité historique de l’époque.
Porcinet, l’intellectuel au physique ingrat chahuté pour sa faiblesse mais respecté pour intelligence et son utilité. Ses lunettes qui symbolisent le savoir, ont permis au groupe de posséder le feu, essentiel pour la survie.
Simon, le martyr, en quête de vérité est celui qui symbolise la sagesse et sera la première victime de la folie qui gagnera peu à peu le groupe livré à lui même.
Les autres enfants, oscillent tour à tour entre ces quatre protagonistes principaux, contestant leur autorité ou prenant leurs doctrines pour modèle.
L’élément de stabilité est le Seigneur des Mouches qui donnera son titre à l’ouvrage : une tête de porc décomposée, plantée sur une pique, et couverte de nuisibles. Veau d’or, idole païenne à la fois crainte et vénérée, le Seigneur des Mouches juge la petite assemblée, de son œil implacable.
Différents axes de lecture :
Quel que soit l’âge du lecteur, et l’axe de lecture, l’analyse de Sa Majesté des mouches appelle à une réflexion autour de la nature humaine sous son jour le plus sombre. La condition humaine, au cœur de l’ouvrage, est la thématique sous-jacente qu’il peut être intéressant d’appréhender sous différents angles : philosophique, historique ou symbolique.
Le contexte historique de l’ouvrage rend son étude particulièrement intéressant pour les collégiens qui étudient cette période en parallèle. La seconde guerre mondiale, ses doctrines, sa violence et ses exactions rejoignent les thématiques abordées par William Goldwin. Après le temps des jeux et de l’insouciance, comment ces enfants peuvent faire preuve d’une telle cruauté, d’une telle sauvagerie les uns envers les autres. Un angle de réflexion intéressant dans le cadre d’une initiation à l’histoire des civilisations et des dérives des doctrines totalitaires.
A la manière des pièces de théâtres métaphysiques en vogue au XVIIème siècle, Sa Majesté des Mouches de William Golding pose un certain nombre de questions existentielles : sans ordre, ni morale, ni état, comment évoluerait la société et les individus. La loi du plus fort deviendrait-elle la meilleure, la démocratie peut-elle devenir un totalitarisme, quelle valeur accorder à l’éducation : autant de questions que la lecture de ce roman soulève.
Au delà des aspects sociologiques et caricaturaux, l’analyse de Sa Majesté des mouches peut être appréhendé sous une dimension psychanalytique : le moi, le ça, et le surmoi qui constituent les trois instances de la personnalité selon Freud se retrouvent dans les stéréotypes des principaux personnages du roman. Sa majesté des Mouches a fait l’objet de deux adaptations cinématographiques (1963 et 1990) et d’une adaptation théâtrale en 1996 : une invitation supplémentaire à une découverte plus approfondie cet ouvrage dont bon nombre de créatifs se sont inspirés (le film Battle Royale, la BD Seuls de Vehlmann et Gazzotti ou le roman Lunar Park de Bret Easton Ellis, adapté par ailleurs au cinéma).