Bien que Bram Stoker ne soit pas à l’origine du mythe du vampire, l’édifiant roman “Dracula” a été à l’origine de tous les mythes vampiriques qui lui ont succédé, dans les domaines du livre, du cinéma ou de la scène. Ce livre reste un pilier de la littérature fantastique et une source d’inspiration encore aujourd’hui. Ses lignes angoissantes ont construit le mythe du vampire, mêlant les thèmes du fantastique, de l’érotisme et de la mort.
Le récit réaliste d’un univers fantastique
Le réalisme du récit tient en grande partie à son mode de narration. Stoker a choisi l’échange épistolaire pour construire son roman et pour communiquer les différents points de vue des personnages qui vivent l’aventure jusqu’à son aboutissement. Cela permet de faire connaissance avec les protagonistes, Jonathan Harper, sa femme Mina, le docteur Seward. Le lecteur se rend compte des liens qui les unissent et découvre au fur et à mesure l’identité de Dracula.
Jonathan Harker relate sa rencontre avec le comte Dracula jusqu’à l’affrontement final, en tenant un journal dans lequel on découvre ses peurs et ses appréhensions. Ce mode d’écriture renforce l’impression de vivre récit réaliste, comme un témoignage livré au lecteur. Ainsi, le lecteur est tenu pour confident pour tous les personnages, à part le comte Dracula qui compte bien conserver sa part de mystère, comme pour rendre crédible le récit.
Le lecteur a tendance à donner foi à cet univers sombre et gothique qui se déroule dans des lieux réalistes, de Londres à la Transylvanie. Il partage les angoisses des aventuriers, ainsi que leurs doutes les plus intimes.
Un manichéisme évident dans Dracula
Les personnages secondaires, comme le courageux professeur Van Helsing, sont volontairement très attachants et portent haut les couleurs de l’amour et de la vengeance. Pieux, vertueux, ils se dressent contre le solitaire et terrifiant Dracula. Mina ressent même de la pitié pour le démon et le téméraire Van Helsing ne peut s’empêcher d’admirer sa puissance. Ils créent ensemble un groupe uni et soudé, comme une conscience unique, pour se dresser contre le Mal.
En effet, c’est guidé par leurs sentiments nobles qu’ils se rendent dans le château de Dracula pour venger la mort mystérieuse et inexpliquée de Lucy, amie de Jonathan Harker. Leur noblesse d’âme contraste avec la froideur et l’immoralité du comte Dracula qui incarne la figure du Diable renié de Dieu. Même sa description physique reflète le mal qui l’habite.
Malgré son côté aristocratique et civilisé, il est laid et repoussant et n’a rien du vampire séducteur de nos jours. Il est malin pour duper ses victimes innocentes et naïves. Ainsi, la douce victime du comte, Lucy, est piégée malgré elle dans les griffes du vampire déshumanisé et vide de tout sentiment.
Une réflexion sur la mort par Bram Stoker
Stoker a dessiné les caractéristiques du mort-vivant suceur de sang. Bien que le vampire subisse certaines contraintes telles que ne boire que du sang ou n’entrer dans un lieu qu’à la condition d’y être invité, entre autres, il conserve un large part d’avantages. Il peut agir sur les éléments, se transformer en animal, faire de la télépathie, changer de taille, agir sur son environnement…
Le tableau dressé est presque enviable car on lui reconnait des pouvoirs multiples qui fascinent et suscitent tous les fantasmes. On a ici l’image de la mort comme un état supérieur qui n’aboutit pas au néant mais qui délivre au mort-vivant des pouvoirs inimaginables et la liberté d’exercer son ascendant sur les autres, les victimes. Les contraintes humaines, morales et sociales, ne sont plus de mise.
Plus de barrières, seules les satisfactions du désir et de l’instinct prédominent. C’est une vision de la mort selon Stoker qui serait presque idéale si on ne savait pas les conséquences que cela induit, meurtres, sacrifices et perfidie.
